lundi 12 juin 2017

Wonderwoman à l’épreuve du féministomètre

Je ne regarde jamais de films d’actions avec des super-héros ou héroïnes. Je n’y connais rien. C’est le potentiel féministe de Wonderwoman qui m’a poussée à sortir de chez moi. Le plaisir esthétique est là et mon féministomètre n’est pas déçu.

La jeune Diana (prénom de l’état civil de Wonderwoman), fille de la reine des Amazones, grandit sur une île parmi ce peuple de guerrières. Elles y vivent entre elles mais s’entraînent au combat pour préparer une éventuelle attaque d’Arès, le dieu de la guerre. J’y ai vu une version sublimée d’auto-défense féministe.





Ces femmes ont une forme de beauté intéressante, qui ne provient pas de leur sveltesse, de leur taille fine ni de leur délicatesse mais de leur force.
Comme le démontre cet article, les critères traditionnels de la beauté féminine sont tous liés à la vulnérabilité : minceur, traits enfantins, petits pieds. Pas trop grande ni trop musclée pour ne pas effrayer les hommes. Les Amazones sont belles car elles sont fortes. Elles me donnent envie de faire encore plus de sport. Merci les filles.

Diana, encore enfant, échappe à la surveillance des adultes pour s’entraîner au combat elle aussi. Avant de rejoindre le groupe et de manier les armes, elle a déjà commencé à se former. De la même façon que nos filles pourraient se former à exploiter leurs capacités physiques : Diana envie, admire, veut en être et reproduit certains des mouvements qu’elle observe. Elle a trouvé ses modèles d’identification, se projette mentalement dans leurs actions et forge son esprit et son corps pour leur faire intégrer des gestes qu’ils sauront reproduire en conditions réelles. L’apprentie Amazone utilise des méthodes de PNL qui ont fait leurs preuves. Elle nous rappelle également que les filles et les femmes ont besoin de modèles de réussite féminins visibles auxquels s’identifier.

Autre leçon de féminisme : lorsque Diana échoue dans son entraînement, sa mentor attribue ses faiblesses à un manque de confiance dans ses propres capacités. « You’re stronger than you think ».


Pourtant, la mère de Diana s’inquiètait pour la jeune fille et refusait qu’elle soit entraînée au combat. Elle sait que sa fille a une force et des pouvoirs exceptionnels du fait de son ascendance divine : elle est la fille de Zeus et la seule Amazone qui puisse vaincre Arès.
La force de Diana n’est pas brimée par un manque de confiance de la part de sa mère, celle-ci connaît parfaitement ses possibilités, et c’est justement cette puissance qui l’effraie. Si Diana devient trop forte, elle sera repérée par Arès et deviendra sa cible, dit-elle. De la même façon qu’une femme trop affirmée est sensée provoquer un regain de violence machiste pour avoir voulu échapper à son statut de soumission. Fausse croyance, évidemment. Les fortes têtes et autres féministes attirent des représailles il est vrai, cependant la résignation et l’acceptation ne sont que des signaux qui disent « je ne résiste pas, tu peux aller plus loin ». Soit on fuit, soit on se défend, mais rire de sa propre humiliation ou reproduire la misogynie ne nous mettent à l’abri de rien.

Diana doit être forte.. tant qu’il s’agit de s’entraîner au combat entre femmes. L’éventualité qu’elle combatte une figure masculine, qu’elle répande son sang et qu’elle le tue.. rencontre des résistances. La maman de Wonderwoman est comme nous toutes, en somme : pas complètement déconstruite.


Certaines images sont magnifiques et galvanisantes. Diana, incarnée par l’Israélienne Gal Gabot, est parfaitement mise en valeur, pour autant on ne sent aucun « male gaze » (ce regard masculin qui déshabille et se focalise sur les parties à connotation sexuelle du corps) qui mettrait mal à l’aise la spectatrice. La caméra de Patty Jenkins est admirative, pas lubrique.






Le propos qui sous-entend le film n’est pas inintéressant : quelle la cause des guerres, et comment l’éliminer pour bâtir une paix universelle, et la conclusion anti-manichéenne du film n’est pas ridicule. La confrontation entre la mythologie grecque et une représentation de la Première Guerre mondiale amène des maladresses, à mon sens. La vision de Wonderwoman qui se promène dans une tranchée me gêne aux entournures.

Cette confrontation suppose un décalage entre Diana, enfant sauvage débarquée à Londres, et le contexte réaliste du film. Le procédé comique est élimé.
My Fair Lady, voire Pretty woman ressurgissent de façon désagréable à nos mémoires lorsque Steve Trenor, le compagnon d’armes de Diana, emmène l’héroïne acheter de nouveaux vêtements. Il complète la tenue avec des lunettes destinées à la rendre « less distracting ». Sois moins sexy s'il te plait, tu déranges le monsieur. Les scènes désagréables s’enchaînent, Diana qui parle de tuer le dieu Harès à qui veut l’entendre passe pour une illuminée. Même si l’on se doute que ses compagnons seront bien attrapés à la fin de l’histoire, on n’aime pas la voir être prise pour une folle.


Le féministomètre est partagé.


Je ne suis pas adepte du genre et je me suis franchement ennuyée mais je dois admettre que oui, Wonderwoman est un film féministe. Il montre une femme qui défend ses valeurs, accompagnée d’un homme mais qui n’a pas besoin de lui et qui n’agit pas en fonction de lui et de ses actions. L’histoire d’amour, embryonnaire, (il fallait bien un baiser et un « I love you » pour la forme) est anecdotique.

Wonderwoman est une femme forte et ses qualités exceptionnelles nous donnent envie de s’identifier à elle.

Pourtant, certains tabous liés à la combativité physique des femmes demeurent. Si elle utilise un glaive, les armes principales de Wonderwoman, et qui la caractérisent, sont un bouclier et un lasso. Elle passe la majeure partie des scènes de combats à se défendre en repoussant le feu des canons grâce à son bouclier et à ses brassards d’avant-bras. Quant au lasso, la tentation est grande de glisser une allusion au fait que Wonderwoman enserre ses proies. Le mythe du vagin denté n’est pas loin. Plus sérieusement, le lasso est habituellement ce qu’on peut appeler une arme non-létale. Dans tous les cas, il ne répand pas le sang. Le public ne verra jamais les blessures infligées par Diana à ses adversaires. Elle reste une femme, autorisée éventuellement à repousser des attaques, certainement pas à rendre les coups. On la verra souffrir pourtant, envoyée valdinguer de droite et de gauche puis écrasée par une gaine de métal qui immobilise tout son corps.





La jeune Diana a acquis une grande partie de sa force en observant les Amazones, j’en suis certaine. Et nous, qu’observons-nous ?

Une femme forte qui évite les balles grâce à des avant-bras magiques. Face à la violence réelle des hommes, déchaînée dans une guerre mondiale qui a malheureusement eu lieu, la seule riposte envisageable est une figure mythique. Comment y croire ? Et comment s’identifier à une demi-déesse qui saute aussi haut qu’un clocher ?

Merci à Patty Jenkins, Gal Gabot et aux autres Amazones. Il est réconfortant de voir leur île et d’en rêver. Puis il est nécessaire de s’encourager, de resserrer nos liens et de mettre en lumière toutes les héroïnes réelles, les humaines fortes qui peuplent ce monde.


















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