samedi 17 septembre 2016

Le voile est-il une autre mini-jupe ?

Qui suis-je pour me permettre de critiquer le voile, alors que je porte des mini-jupes et que je pousse l’aliénation au patriarcat jusqu’à m’épiler les aisselles ?
Le voile ne serait qu’un attribut féminin comme un autre. On peut, à la rigueur, admettre que le port du voile se fait souvent sous la contrainte. On admet aussi que le voile est sexiste, dans ce qu’il dit du corps des femmes et de la sexualité des hommes.
Mais… “c’est pas pire que le string ou la mini-jupe”.

Je reconnais que notre liberté n’est pas entière quand il s’agit de dépenser temps, argent et énergie pour porter des vêtements ou accessoires inconfortables, qui entravent les mouvements, pour être plus belle ou plus désirable. La pression sociale est forte et personne n’a envie d’être cette fille “moche, crade et qui ne prend pas soin d’elle”.
J’admets volontiers que le maquillage est sexiste, dans la mesure où il dit : à l’état naturel, mon visage est imparfait, incomplet. Je dois le transformer pour le rendre socialement acceptable. Cette considération n’étant valable que pour les femmes.

Mieux ou pas mieux, plus libre ou moins libre ? La contrainte à se rendre sexy, et celle qui peut peser sur les femmes qui se voilent ne sont évidemment pas comparables. Le look sexy ne découle pas d'un ordre moral et religieux et aucune femme n'a jamais été condamnée à mort pour des vêtements boyish. Je ne parlerai pas ici du sujet de la contrainte, je répondrai seulement à l'argument selon lequel le voile ne serait qu'une mini-jupe inversée, se couvrir et se dévoiler ne seraient que les deux faces de la même pièce.

Non, ces deux pièces de textiles ne sont en rien équivalentes.

Je ne mets pas de mini-jupe quand je vais au marché le matin, quand je travaille face à du public, quand je fais du sport ou quand j’emmène mon chien en forêt.
De façon générale, je ne mets pas de mini-jupe dès que je sors de chez moi ou dès qu’un homme, quel qu’il soit, me rend visite.
Je mets une mini-jupe seulement à l'occasion, quand j’ai envie de plaire. Etant un être de chair, il m’arrive d’avoir envie de provoquer et ressentir du désir sexuel. Pas tout le temps, pas dans tous les contextes. La mini-jupe, le maquillage ou autres attributs de la féminité telle qu'elle est codifiée ne sont pas vus comme nécessaires, ils se portent parfois, suivant les circonstances, plus ou moins.

Ils procèdent d'une volonté circonstanciées : ce soir, je veux me mettre en valeur. Et oui, il faut l'admettre, en jean et doudoune, j'attire moins l'attention, je suis moins désirable. Il faut faire un effort pour être sexualisée. Le corps et le visage des femmes, tel qu'il est au naturel, n'est pas perçu comme suffisant pour être beau. Il faut y travailler.
On peut critiquer le fait que le corps de la femme ne soit pas accepté socialement à l’état naturel, avec sa peau imparfaite et ses poils. On peut et on doit aussi dénoncer cette perversité qui fait qu’une femme doive “se faire belle” - et qu’une fois “belle”, on lui reproche d’être un “appel au viol”.
La mini-jupe dit une chose : mon corps à l’état naturel est incomplet et je dois faire un effort pour le rendre attirant.

Le voile, quant à lui, doit être porté dès qu’un homme, autre que le conjoint, est présent dans les parages.
Le corps féminin doit être caché en permanence, parce qu’il est en soi sexuel. Dans l’univers mental qui promeut le port du voile, ce n’est pas la femme en mini-jupe qui “l’a bien cherché”. C’est la femme tout court, parce qu’elle a un corps de femme - ou même de petite fille. Le string est vulgaire ? Le rouge à lèvre outrancier donne l’air d’une “pute” ?
Pour les défenseurs-ses du voile, c’est la femme qui est vulgaire, c’est son corps, tel qu’il est, qui “pue le cul”. Quel que soit son âge, quel que soit son apparence physique, la femme est obscène. La mini-jupe joue avec le désir en montrant tout, sauf ce que la légalité impose de cacher (le sexe, ce qui est également valable pour les hommes). Le voile dit : la femme est ce qu'il faut cacher.

Nous devons dénoncer la misogynie qu’il y a à considérer que le corps et le visage des femmes est laid s’il n’est pas trafiqué.
Nous devons dénoncer la culture du viol qui dit que certaines femmes méritent d’être violées car elle suscitent le désir. Ne mélangeons pas tout.
Ne laissons pas juger les femmes d’après ce qu’elles portent. Mais ne les laissons pas être condamnées parce que ce sont des femmes.
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