vendredi 31 mai 2013

Mystère des insultes sexistes


Pourquoi "j'vais lui niquer la gueule" est une menace, alors que niquer, c'est bien? Le mystère des insultes sexistes


Mes employeurs avaient l’air inquiet et combatif à la fois, assis côte à côte à une table, penchés devant un écran, nerveux. Il était question de prud’hommes et d’un ancien salarié.
Faussement innocente et curieuse de connaître leurs antécédents, je demande :
_ Quelqu’un vous cherche des noises ?
Sourire crispé qui signifie « ne te mêle pas de ça cocotte », et réponse :
_ Ceux qui nous cherchent des noises, on les nique.
Je repars, ricanant intérieurement, satisfaite de leurs tracas. 

Mon esprit se relâche, s’attarde à leurs paroles. « On les nique ». Faisait-il allusion à un désir d'union charnelle avec cet ancien salarié ? Cette hypothèse était peu probable. C’était donc une métaphore. Pour eux, niquer quelqu’un revient à le détruire. Etrange. Dans mon esprit, ce terme, ainsi que « baiser » (pas « enculer », mais je ne parle qu’en mon nom propre), ce terme de « niquer » évoque une joyeuse communion des sens, une fête archaïque à deux, une célébration de l’instant présent et une exaltation des corps. Les fantasmes et souvenirs délicieux vers lequel mon esprit dérivait n’était pas en accord avec le « niquer » de mes employeurs.
Quand j’entends une insulte du style de « va te faire foutre », mon esprit s’égare, toujours. Tu m’envoies me « faire foutre » dans un accès de colère, tu exprimes ton mépris et ta haine, mais moi j’aime bien ça, me faire .. Etrange.

La plupart du temps, quand j’entends une insulte ou une menace, ou lorsque quelqu’un s’estime floué et exprime sa colère.. des pensées suaves me viennent en tête. J’en ai déduit que j’étais masochiste.

Il m’arrive de me sentir dépravée comme Lilith chassée du jardin d’Eden lorsque j’entends parler de sexe autour de moi. Les hommes disent « je vais la baiser », « je me la suis tapée », « j’ai envie de la tringler ». Les femmes, mieux élevées, ne disent rien. Quand elles sont vulgaires comme moi, elle peuvent dire qu’elles ont envie de se taper tel ou tel, mais c’est plus rare. En tout cas, le garçon pénètre la fille, le monsieur baise la dame et le papa met la graine.
Les femmes devraient donc rester immobiles, se laisser faire, un sourire léger esquissé sur leur visage diaphane. Elles sont l’objet des phrases, se font passer dessus par le sujet des verbes, susurrent « prends-moi » et attendent la suite.
Je me sens perverse. Il me semblait que le sexe était un partage, un échange avec une répartition juste et équitable de coups de reins et d’énergie déployée. Le discours ambiant ne va pas dans ce sens. A croire que ces messieurs préfèrent les poupées inertes.

Je n’ai donc rien compris à la vie. Le sexe, pour une fille, est dégradant, et il nous est déconseillé de participer. J’ai donc arrêté. Pour me substanter, je suis allée voir des films porno sur internet. Peu habituée du fait, j’ai simplement tapé « porno » sur Google et je suis allée sur « perfectgirls.net ». Un excellent moyen de le savoir, enfin, ce qu’était une fille parfaite ! Et là j’ai eu la confirmation que je n’étais pas normale.
Les titres des films : « Jayden la blonde se fait défoncer par une grosse bite noire », « Adana se fait tripoter pendant son sommeil et se laisse baiser » (dans la vraie vie, ça se juge aux assises, soit dit en passant), « torture et violence pour cette coquine ! » ou encore « salope joue la pompe à vélo ».

Les insultes, le langage courant, les films.. Tout concorde. Le sexe, pour les femmes, devrait être dégradant et destructeur. Et pourtant on aime ça !

J’ai envie de rassurer les hommes : ne vous inquiétez pas autant pour nous. Nous ne nous sentons pas salies après une union charnelle avec vous, il n’y a rien d’effrayant ni de douloureux à ces activités. L’érotisme n’a rien à voir avec la violence, la dégradation ou l’avilissement de l’autre. C’est dans vos têtes. Détendez-vous, tout va bien se passer. Shall we dance? 

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