mercredi 24 avril 2013

Prostitution : pour une pénalisation du client

Article publié le 12 décembre 2012 sur mon ancien blog sans nom :
http://pauline.arrighi.overblog.com/je-ne-suis-pas-coincee-mais-la-prostitution-doit-etre-penalisee


Après vous avoir recommandé l'article ci-joint de la féministe Anne-Cécile Mailfert, je vous livre un avis personnel, voire intime, sur la question de la prostitution.
J’ai grandi dans un milieu favorable à la prostitution et j’ai souvent entendu dire qu’il s’agissait d’un travail comme un autre, peu recommandable certes, mais somme toute moins ingrat qu’un emploi d’ouvrière par exemple.
En tant que jeune femme, la possibilité de gagner d’importantes sommes d’argent, et si ce n’est facilement, du moins très rapidement, pose la question : pourquoi est-ce que je m’y refuse? (car je m'y refuse). En y réfléchissant, j’ai évidemment vite compris les raisons de mon propre dégoût, mais je me suis aussi rendue compte que ce qui était mauvais pour moi l’était pour toutes les femmes. Que ce n’est pas un simple manque d’appétence de ma part, mais un refus d’une pratique réellement malsaine et aliénante pour toutes les femmes et hommes qui s’y adonnent.
Mon avis en faveur de la pénalisation de la prostitution provient donc d’une remise en question d’une idéologie ambiante et d’une réflexion à partir de mon ressenti personnel en tant que femme.
Je rentrais de la fête de la musique il y a quelques années, en robe estivale tout ce qu’il y a de plus correcte, quand un homme m’aborde en me proposant de l’argent.
Je ne vous dirai pas combien. Je suis pudique sur les questions d’argent, comme la plupart des Français, mais ce n’est pas un tabou pour moi, et je peux même révéler que j’ai touché, pour Crimes et délits cocasses, un à-valoir de 3000 euros brut. Pourtant je ne révélerai pas la somme que cet homme m’a proposée. Parce que je ne veux pas que vous sachiez à combien on évalue une nuit passée avec moi. Parce que je ne veux pas qu’on se demande si ça les vaut ou non, si on aurait mis autant, davantage ou moins. Ma compagnie ne se note pas sur 20 et ne s’évalue pas en euros.
C’est le cas du travail, intellectuel ou physique, mais l’accès au corps n’entre pas dans cette catégorie, de la même façon que le sang, les plaquettes ou les ovules ne se vendent pas. Si c’était le cas, le sang de certains serait plus cher qu’un autre?
En considérant la prostitution comme une prestation de service rémunérée, on oublie qu’il s’agit d’un accès au corps, on abolit les barrières vitales entre son intimité et celle d’autrui, qui ne doit être franchie que dans le cadre d’une volonté partagée. On oblige les prostitué(e)s à se dissocier de leur corps et de leur désir. En s’imaginant une seconde dans cette situation, avoir des relations sexuelles avec un individu quelconque en ne pensant qu’à la rémunération qui suivra, on ne peut que se réfugier dans une pensée du type “ce n’est pas moi, ce n’est que mon corps”. Il devient nécessaire de s’en séparer, de le quitter un instant pour le retrouver une fois l’acte consommé. Or l’être humain et son corps ne forment qu’un, et la dissociation opérée par les professionnels du sexe va à l’encontre de l’équilibre psychique. C’est d’ailleurs la même dissociation qui est opérée, malgré elles, par les victimes d’abus sexuels.
La prostitution ne peut pas être considérée comme un travail car un acte sexuel n’est pas l’équivalent d’une présentation Powerpoint.
Lorsque cet homme, ni laid, ni vieux, m’a proposé de me payer et que j’ai poliment refusé, je n’ai pas été choquée tant par sa proposition en elle-même que par son arrogance. Sa détestable suffisance provenait de toute évidence du sentiment de pouvoir qu’il attribuait à son argent. Il a lourdement insisté en s’étonnant ou feignant de s’étonner de mon refus, comme un client à qui une épicière refuserait de vendre un produit, ce qui serait étrange en effet. Cet homme avait la suffisance de celui qui peut tout obtenir, de celui face auquel le monde n’est qu’un étalage d’objets destinés à combler le moindre de ses désirs. Et les femmes font partie de ce monde de produits de consommation que son argent rend accessibles.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/620783-abolir-la-prostitution-est-reactionnaire-reponse-aux-pro-prostitution.html



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