mercredi 1 avril 2020

Le genre comme identité, faillite de la pensée rationnelle


Il semble que de nos jours, la biologie soit obsolète. Qu’un homme proclame qu’il se “sent femme”, il obtient à l’instant même le statut de “femme trans”, et comme “les femmes trans sont des femmes”, cet homme en devient une de fait, sur la base de son ressenti et de son discours. 
C’est du moins la vision de certain.es militant.es et intellectuel.les. Les effets concrets de cette idéologie ne sont pas encore visibles en France, mais ce mouvement progresse et sa concrétisation, déjà avancée dans d’autres pays, présente de nombreux dangers. 
Revenons aux premisses du débat : selon les tenants du transgenrisme, la définition biologique de qui est une femme et qui est un homme est non seulement inepte, mais aussi “transphobe”. 
Les tenants de l’idéologie transgenriste proposent une nouvelle définition des mots homme et femme. Toute définition peut être remise en cause, toute polysémie peut être envisagée, et en particulier lorsqu’il s’agit d’accroître le bien-être des personnes. Or ici, cette nouvelle définition des termes est une aberration logique. 
Pour en cerner l’incohérence de ces définitions, revenons à la base.

A quoi sert un mot ?
Certain mots, dits concret, désignent des objets ou personnes concrètes (les hommes et les femmes sont des réalités tangibles, et non pas des concepts comme la liberté). Chacun correspond à une catégorie d’individus qui sont distingués d’autres individus (qui seront désignés par un autre mot) sur la base de caractéristiques observables dans le champ de l’expérience.
Ces caractéristiques font l’objet d’un consensus dans un groupe linguistique donné. Toutes les personnes francophones désignent comme « siège » un support conçu pour s’asseoir. Si une personne décide d’utiliser le mot « dé à coudre » pour désigner un support pour s’asseoir, elle ne sera pas comprise. Les mots doivent correspondre à une distinction entre certains objets ou individus et d’autres, sur la base d’éléments observables mais aussi réfutables. On peut raisonnablement affirmer qu’une tasse n’a pas été conçue pour s’asseoir et ne peut donc pas être considérée comme un siège.
Tous les mots concrets sont les supports de conventions sociales qui séparent une catégorie d’objets ou de personnes selon des caractéristiques observables par des personnes extérieures et qui font l’objet d’un consensus.

A quoi bon créer des mots et donc séparer des objets en catégories ? Tout simplement car le choix de ces caractéristiques a une finalité qui se manifeste dans le monde réel. Si je prête mon appartement à une amie en lui disant « tu vas très bien t’entendre avec mon chien », si mon chien a l’ADN d’une espèce que l’on appelle habituellement un chat, et si mon amie est allergique à ces animaux précisément, elle se rendra bien compte que l’usage de mots qui distingue une espèce animale d’une autre a une utilité bien concrète.  
Les êtres humains ont forgé les mots femme et homme en utilisant comme critères de différentiation des éléments observables et réfutables : les différences anatomiques et le rôle dans la procréation. Il existe certes une petite minorité de personnes intersexes, mais il n’en reste pas moins que l’espèce humaine, comme toute espèce animale qui procrée grâce à des gamettes mâles et femelles, est une espèce composée d’hommes et de femmes et que chaque personne, sauf exception, est facilement identifiable en tant que l’un ou l’autre.
La distinction entre hommes et femmes dans le langage a elle aussi une utilité ; dans le domaine médical notamment, avec l’interprétation de symptômes ou le dépistage de troubles spécifiques. Dans le domaine du sport, il est nécessaire de séparer les compétiteurs et compétitrices en fonction de leur sexe pour prendre en compte la réalité du dimorphisme de taille et de masse musculaire.
Selon la définition des tenants du transgenrisme, « homme » et « femme » sont des identités qui ont pour base un ressenti personnel, intime, et qui ne se manifeste pas forcément par des signes extérieurs. On peut être un homme tout en ayant un sexe biologique constaté médicalement à la naissance comme étant celui d’une fille. Seul l’individu peut déterminer, indépendamment du constat médical, s’il est une femme ou un homme. Et quelle que soit son apparence physique ou son comportement, personne ne devrait pouvoir contester cette affirmation, au risque d’être qualifié de “transphobe”. 
Est une femme qui décrète qu’il ou elle se sent en conformité avec le fait d’être une femme. 
Les transgenristes ont créé la première catégorie de mots concrets qui ont une définition circulaire. « Un poisson est un animal qui a tous les traits d’un poisson » ; même s’il a des plumes et s’il vole dans le ciel ; même s’il a quatre pattes et s’il aboie. La définition ne renvoie à aucun élément tangible et observable dans le réel, elle ne renvoie qu’à elle-même et donc ne désigne rien.
Les transgenristes ont l’habitude d’utiliser un parallèle avec l’homosexualité. Il s’agit aussi d’un ressenti, les personnes homosexuel.les ne présentent pas de « signe extérieur » observable de façon objective.
C’est vrai, mais j’ai une objection. Il n’y a rien de commun à dire qu’un être humain est une femme – en se fondant sur l’observation de ses chromosomes, donc d’une donnée stable pendant toute la durée de sa vie ; et à dire qu’une personne est homosexuel.le. L’homosexualité n’est pas inscrite dans le corps comme le sont les 6500 expressions de gènes qui distinguent les hommes et les femmes. Elle se définit par un ensemble d’appétences affectives et sexuelles, et de pratiques sexuelles.
Or le fait d’être une femme ne correspond à aucune appétence ni pratique. Tous les goûts et toutes les pratiques peuvent se rencontrer, dans le domaine de l’amour et de la sexualité comme dans tous les autres domaines de l’existence. Il n’existe pas de « goût », de « pulsion » ou de « mode de vie » propre aux femmes. Affirmer le contraire est d’un sexisme qui appartient à un autre temps.
« Les femmes trans sont des femmes », corrige la rédactrice en chef du Huffington Post avec contrition. « Trans women are women. Trans men are men », récite le maire de Londres. « Trans women are women. Repeat after me », ordonne une gigantesque peinture murale, toujours en Angleterre.

L’identité de genre est un ressenti affirmé qui ne peut pas être réfuté. Si elle ne supporte pas la remise en question (qui serait de la transphobie et justifierait bannissement des réseaux sociaux et menace des pires tortures), c’est justement parce qu’elle ne repose sur aucun élément que l’on peut établir par l’observation ou l’argumentation. 
Par ailleurs, le genre comme identité ne renvoie pas à des éléments de définitions extérieurs à lui-même, telle qu’une forme de sensibilité ou des émotions pouvant être décrites autrement que « ressenti d’être une femme ». Sa définition est circulaire et indéfiniment close sur elle-même.

C’est un ressenti qui ne peut pas être défini, contrairement à une orientation sexuelle, une souffrance psychique qui peut être décrite grâce à des comparaisons ou la description de sensations corporelles, ou une émotion qui a un effet sur le corps (battements du cœur, transpiration, pensées orientées de façon spécifique).
L’identité de genre existe en dehors du tangible, du mesurable et du qualifiable, bref du réel.

Elle est du domaine de la foi, qui ne s’explique pas et ne se justifie pas. Comme toute croyance, elle échappe au domaine de l’expérimentation sensorielle. Elle existe, voilà tout. La méthode scientifique ne saurait l’infirmer, puisqu’elle n’appartient pas au monde tangible des mesures et des observations.

Dans une société rationaliste comme la nôtre, il est établi que les croyances font partie de la sphère privée et qu’elles ne doivent pas influencer la science ni la politique. Elles ne doivent pas non plus nuire à la santé ni au bien-être de qui que ce soit, et ne doivent pas non plus être imposées aux non-croyant.es.  On ne saurait blâmer les personnes qui croient en la Résurrection, mais que personne ne m’oblige à dire « oui, c’est vrai, Il a ressuscité » - parce que je n’y crois pas. Qu’on ne m’oblige pas non plus à dire que quiconque « s’identifie comme femme », en est une.  

Le constat de cette ineptie logique ne doit pas nous faire oublier que certaines personnes souffrent d’un sentiment d’inadéquation entre leur corps et leur moi profond. 
Ce mal-être doit-il et peut-il être résolu par un bouleversement sémantique qui concerne l’ensemble de notre société ? Comme je l’expliquais dans une tribune publiée dans Marianne, la définition du genre comme une identité a des conséquences graves en matière de protection des droits des femmes. 
Nous devons collectivement nous interroger sur les causes d’un mal-être qui touche de nombreux-ses adolescent-es considéré-es comme “transgenres”. Faut-il leur administrer des traitements hormonaux aux conséquences irréversibles, et que certain-es regrettent quelques années plus tard, comme l’explique cet article de The Economist ? 
Pourquoi certain-es personnes ne supportent-elles plus le fait d’être une femme ou un homme ? Peut-être les contraintes que le genre nous imposent sont-elles insupportables pour certaines personnes ? 
Et si nous changions notre définition non pas de qui est une femme, de qui est un homme, mais de ce que doit être une femme, ce que doit être un homme ? Si ces mots ne désignent d’une réalité biologique, et si toutes les « identité » sont permises, alors personne n’aura besoin de manipuler le langage ni transformer les corps. 

2 commentaires:

  1. - Vous confondez sexe et genre

    - Les personnes intersexes représentent entre 1,7 et 4% de la population mondiale (7 794 799 000 personnes dans le monde en 2020 soit 10 000 000 si 2% et 19 500 000 si 4% (arrondis évidemment); un pourcentage est toujours risible mais quand on le traduit en "quantité", là, tout de suite, ça ne fait pas le même effet. En terme de "grandeur", ça représenterait la population de la Suède (10 000 000) ou le Chili (19 500 000), si on regroupait toutes les personnes intersexes dans un pays...

    - Quant à la séparation des compétiteurs aux compétitrices dans le sport, on a là aussi un "problème" avec les athlètes dites hyperandrogynes (donc intersexes) dont Caster Semenya a défrayé la chronique ces dernières années. Beaucoup estiment aussi que le distinguo entre les femmes "normales" (d'un point-de-vue hormonal) et les femmes hyperandrogynes n'est pas juste et n'est pas fondé non plus. Il est à remarquer que ce ne sont que des athlètes pas Caucasiennes (donc racisées) qui ont ce problème-là (racisme?). Par ailleurs, on se contrefiche de savoir quels sont les taux hormonaux des compétiteurs hommes (sexisme?).
    https://www.komitid.fr/2018/04/28/caster-semenya-iaaf-athletisme-hyperandrogenie/
    Est-ce qu'on va bientôt se diriger vers plus de ségrégation entre les gens en fonction des taux d'hormones dans leur sang?

    - D'un côté, vous dîtes que les personnes sont définies par l'apparence et la comportement et 3 paragraphe plus loin, vous dîtes exactement l'inverse, qu'être une femme n'est pas du à l'appétence, aux goûts, à la pratique. Alors, c'est une question de comportement ou pas, d'après vous?

    - Le genre s'atteste par le comportement, par l'habillement, par la voix ou la manière de parler, par les postures, par des tas de choses qui ne sont pas biologiques... On est un homme quand on se comporte en homme et on est une femme quand on se comporte comme une femme. Tout ceci est culturel et souvent conditionné. Avez-vous déjà entendu parler de Simone de Beauvoir ou de Judith Butler?

    - Admettons qu'on ne puisse prouver qu'une femme agisse comme une femme, alors dans ce cas-là, si ça vaut pour les femmes-trans, ça vaut aussi pour les femmes qui sont nées F, elles ne peuvent que prouver qu'elles sont nées avec un sexe de femme, et pas qu'elles SONT des femmes ou qu'elles agissent comme des femmes et ça... Admettons qu'on ne puisse pas prouver le genre d'une personne, on devrait se limiter à l'entrejambe d'une personne?

    RépondreSupprimer
  2. - Admettons qu'on ne puisse pas prouver le genre, comment considérer les gens qui font une transition et qui se sentent mieux en post-transition? On peut constater factuellement que la personne n'est pas bien (comprendre par-là n'est pas heureuse ou satisfaite) dans le sexe qui lui a été assigné à la naissance... Si l'identité se limitait à l'entrejambe alors tout le monde serait content-e de ce que la nature lui a donné à la naissance et donc y'aurait pas de chirurgie esthétique, de transition, de maquillage...

    - Si l'identité de genre était du domaine de la foi, alors que dire aux personnes qui se font agresser dans la rue (ou ailleurs) car elles n'ont pas l'air de ce qu'elles sont ou inversement? Beaucoup de personnes en pré-transition se font insulter dans la rue parce que leur masculinité / féminité n'est pas tout à fait convenable ou attendue ou dans la norme. Et parfois, ça va plus loin que simplement une insulte... On demande aux personnes en pré-transition de vivre comme un homme ou comme une femme (en fonction de la "destination" de leur transition future), sans avoir eu accès aux hormones; donc pour prendre un raccourci s'habiller en femme alors qu'on ressemble fort à un homme et inversement sortir en homme quand on ressemble fort à une femme. Ce n'est pas très accepté dans notre société et c'est (très) dangereux...

    - De plus, vous dîtes que la dysphorie de genre touche de nombreux / nombreuses ado mais pas que ! Les enfants et les adultes sont également concerné-e-s. On constate que dans le sens FtM les personnes font leur transition dans la vingtaine, voire la trentaine, mais dans le sens MtF, la transition se fait souvent à + de 50 ans. En regardant qqs témoignages sur des forums et des sites dédiés, on voit des âges comme 8, 13, 25, 40 ans... Il n'y a, hélas, aucune statistique officielle, mais en tout cas, ce "problème" ne concerne pas que les ado...

    RépondreSupprimer

Le Top Site d'Anna K.