"Quatre jours sur une grue : l'agit-prop d'un père en colère" (Le Monde, 19/02/2013), "Grues occupées, merci aux pères nantais" (Rue89, 16/02/2013)
Que veulent ces pères divorcés, qui montent sur des grues pour exprimer leur mécontentement face à la Justice?
Pour eux, les femmes ont pris le pouvoir. Dans la Justice et lors des procédures de divorce en particulier, les pères se voient évincés quasi-systématiquement et abusivement de la garde de leurs enfants.
Citons l’un d’entre eux :"malheureusement, la justice n'est pas impartiale, il suffit de prendre tous les chiffres sur les résidences et domiciliations des enfants, 80 % des domiciliations sont remises aux mamans".
Si l’on se penche sur ce chiffre de 80%, on s’aperçoit rapidement que dans une immense majorité des cas, les pères souhaitent qu'il en soit ainsi. Un week-end sur deux et la moitié des vacances leur suffisent, et il n'y a donc aucun conflit sur ce point. Est-il nécessaire de rappeler que les femmes s'occupent encore à 80 % des tâches parentales et domestiques ? Lors d’un conflit sur la garde des enfants, les “mères arrivent à prouver qu'elles ont arrêté de travailler. Ou bien qu'elles ont ralenti, changé de rythme. Ce qui fait que le juge aura tendance à donner la garde plus souvent à la mère”, explique Delphine Msika, avocate au barreau de Valence (source : Slate). Elle ajoute que les pères demandent beaucoup moins souvent la garde des enfants que les mères : ‘il va falloir sortir plus tôt, aménager ses horaires, c'est beaucoup plus compliqué pour un homme que pour une femme”... Disons surtout que les hommes rechignent à mettre un frein à leur carrière pour s'occuper de leurs enfants, avant comme après un divorce.
La documentariste Myriam Tonelotto explique dans son film In nomine patris que les militants des associations de pères les plus virulents sont dans les faits violents envers leur ex-femme et que les enfants, quand ils en ont la charge, sont souvent confiés à leurs grand-parents. Ils les réclament pour finalement ne pas ou peu d'en occuper. Ces hommes utilisent leurs enfants pour nuire à leur ex. Si certains peuvent être dans une réelle détresse, la sincérité des autres reste à prouver. Leurs motivations réelles sont souvent plus sordides qu'un amour pur pour leur progéniture.
Le réalisateur Patric Jean, dans le Monde, cite les récents cas français en exemple : “Le premier dit ne pas avoir revu son fils depuis deux ans et manifeste donc son "désespoir". Mais on sait qu'il a été condamné à un an de prison en septembre 2012, dont quatre mois ferme, pour avoir enlevé son fils. Des violences avaient été exercées à cette occasion. L'enfant avait été retrouvé en Ardèche, deux mois et demi plus tard. Cet homme s'est donc vu retirer son autorité parentale, ce qui est prévisible.”
Les masculinistes seraient-ils tout simplement radins?
Pas seulement, malheureusement. Des pères sincèrement désolés de leur situation ont témoigné sur leur passage auprès de ces associations : "On n'était pas là pour m'aider, mais pour me faire tenir un discours haineux sur les femmes." (cité par Patric Jean)
La page Facebook du Printemps des pères, que j’ai pris la peine d’explorer (en me pinçant le nez) regorge de mots doux : “pouffiasses utéristes”, “truies”, “viande à pattes féministes”, “paquets d’organes”. Des affiches insultantes envers les mères divorcées circulent sur le réseau social :
La France est aux mains d'une Justice "fémino-sexiste", assimilée à la "mafia fémino-sioniste", qui a entamé un "génocide" contre des pères. L'administrateur de la page Facebook, Philippe Louvet, incite clairement à la violence contre les mères divorcées et les "soldats", le Printemps des pères se donnant le beau rôle de "résistant" : juges, avocat(e)s, psychologues. On peut y lire, dans le désordre :
un grand coup de torchon s’impose pour virer ces araignées sordides”.
“me suis souvent demandé si ces connasses seraient aussi cupides, si lors des visites et déplacements, elles rencontraient des bates de base-ball”
“la justice, on sait tous faire”
Et le mot de la fin :
Les associations de pères divorcés sont en fait la façade de respectabilité de mouvements aux revendications plus vastes, masculinistes, et à la misogynie assumée. Francis Dupuis-Meri et Mélissa Blais, chercheurs à l'Université du Québec à Montréal et auteurs de "Le mouvement masculiniste au Québec : l'anti-féminisme démasqué" (Remue-ménage, 2008), soulignent leur dangerosité insidieuse. En tant qu'hommes de 30 à 40 ans, blancs, hétérosexuels et issus des classes moyennes, ils représentent les "bons pères de famille", le citoyen respectable que les élites politiques écoutent bienveillamment.
C'est donc à nous, militant(e)s et citoyens attachés aux valeurs d'humanisme, de pointer la malhonnêteté de leur discours et la violence de leurs propos et des méthodes dont ils se réclament.