mercredi 2 avril 2014

De l’inconvénient pour les femmes de lever son majeur


J’arborais fièrement mes nouveaux collants couleur fraise, en mini-jupe, et comme l’expression vestimentaire d’une humeur légère et joyeuse a un prix, j’ai été gratifiée de sifflements et de remarques absconses de la part de commentateurs auto-proclamés qui m’ont croisée en voiture.

Auxquels j’ai répondu par un doigt d’honneur et un « connard ».

J’étais tout d’abord contente de moi, l’auto-défense agressive étant loin d’être un réflexe mais plutôt une discipline à laquelle je m’exerce.

Pourtant un sentiment de malaise suit de près la satisfaction immédiate. Pour me montrer offensante, j’ai fait un geste qui symbolise un phallus. J’ai signifié au bougre que je le pénétrais pour l’humilier. Or c’était lui qui avait fait montre d’un sentiment de supériorité typiquement masculin en me sifflant.
Il me dit : je t’humilie car j’ai une bite et que tu as des collants rose et je te rappelle ton statut d’objet sexuel
Je lui réponds : je t’humilie avec ma bite qui va te pénétrer et tu seras humilié d’être pénétré.
Une réponse plutôt inadaptée de ma part, n’est-ce pas ? Pour ne pas dire franchement ridicule. D’autant plus que je l’ai traité de « connard », insultant ma propre anatomie au passage. C’est la brebis qui dit au loup « t’as l’air con avec ta laine sur le dos ».

Quand je dois me mettre en colère, j’ai l’impression de donner des coups dans l’eau avec un couteau dont le manche est aussi tranchant que la lame, et de me retrouver avec la main cisaillée.

La domination est arrivée au point où la colère nous est interdite. Une femme en colère est accusée d’hystérie ou d’un autre trouble d’ordre psychologique, sa colère est immédiatement vidée de son sens. Elle est folle, rien de plus. Ou le classique « tu es jolie quand tu te mets en colère » que je vis comme une humiliation extrêmement pernicieuse. J’ai entendu récemment « la domination masculine ? Ma pauvre Pauline, si tu vois les choses comme ça, tu vas te rendre trop malheureuse ».
Et l’interdiction de se mettre en colère va plus loin que la décridibiliation de cette colère, qui passe souvent par la dépolitisation.
Nous n’avons pas d’outils pour être en colère. Les armes dont nous pourrions facilement nous saisir, à savoir le langage, se retournent contre nous.


A la question de savoir quels moyens il nous reste, j’ai envie de citer ce slogan féministe plein d’humour : « les femmes sont cantonnées à la cuisine, mais on oublie que c’est là qu’on trouve les couteaux ! »


Pour en lire davantage sur la misogynie inhérente aux insultes : ici 

4 commentaires:

  1. Moi, je montre le poing et je dis bitard* ! Mais chacune fait ce qu'elle veut ! :)) Marre d'être traitée dans la rue.
    *Bitard est le fruit d'un long entraînement :)). En effet connard vient plus facilement : des lustres d'endoctrinement patriarcal :((

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  2. Sinon crevure, crétin, andouille, mufle, rustre, bélitre, etc., il existe plein d'insultes anciennes ou non peu usitées et fort sympathiques !

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  3. J'aime lire ton blog.Mais sur cet article et sur ce qui s'est passé,je trouve que tu te prends la tête. Pourquoi réfléchir à la meilleure insulte?Tout ce blabla sur l'origine des mots et gestes employés,bof,bof..Quand ça arrive les mots ou les gestes sortent tous seuls.C'est l'instinct.Le principal pour moi est de ne pas se laisser faire.Trop de filles,de femmes ne réagissent pas aux remarques désobligeantes,car elles ont le sentiment de l'avoir chercher,se sentent coupables.La question à se poser (pour moi hein)n'est pas de savoir quel langage employer pour se défendre,mais se défendre tout court. Alors les les symboles dans les mots que j' emploie,je m'en contrefout,du moment que me défendre me procure une joie.

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  4. Ton article est intéressant. En bonne féministe, je fais attention quand je parle à ne pas renforcer des clichés, utiliser des termes sexistes, etc. Sauf quand il s'agit de dire des vulgarités.. Par exemple, je dit souvent "merde, putain". Or, une putain est une prostituée, il faudrait donc que j'évite d'utiliser cette injure qui n'en est pas vraiment une. Sauf que maintenant, dans le langage courant, "putain" est plus un équivalent (toutes proportions gardées bien sûr) vulgaire de "saperlipopette", je veux dire qu'il s'utilise dans le même genre de situation. De même que "con" et tout ses dérivés: ils renvoient originellement au sexe féminin: mais de nos jours, quand on dit 'quel con !", la très grande majorité des gens pensent à une personne idiote, pas à l'anatomie d'une femme.
    Les injures ont souvent une origine sexiste, mais peu de gens pensent à cette connotation. On les utilise par abus de langage. De même qu'une fille dit "ça me casse les couilles": techniquement, ce n'est pas le cas, mais ça lui permet de dire à quel point ça l'énerve. Pour ce point je vois d'ailleurs souvent des équivalent non moins violents tels que "ça me hache les ovaires" ou "ça me brise la vulve". Bref.
    Quand on dit ce genre de mot, il s'agit d'être vulgaire, d'exprimer sa colère ou autre sentiment... et dire "saperlipopette", personnellement, ne me permet pas d'exprimer ma rage. Donc je continue à dire putain et à traiter les gens de cons. Lever mon majeur, même si c'était l'idée originelle, ne signifie pas que je souhaite pénétrer la personne et ainsi l'humilier, simplement ma colère, mon mépris pour elle.

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