Le site de rencontre “seeking arrangement”, n’est en rien un site de prostitution déguisée.
C’est un site qui encourage à la prostitution de façon complètement assumée. La page d’accueil du site est assez claire : il s’agit de mettre en relation des hommes qualifiés d’”entreteneurs” avec des jeunes femmes éventuellement “étudiantes” qui ont besoin d’être “aidées financièrement”.
Le créateur du site nous parle d’un échange de bons procédés, d’une transaction comme tant d’autres, l’offre répond à la demande et vice versa. La relation proposée se veut “mutuellement avantageuse”. On est en droit de se demander : mutuellement avantageuse.. pour qui ?
L’assymétrie commence avant le premier rendez-vous : les hommes s’inscrivent car ils ont envie de rencontrer de jolies jeunes femmes, les femmes sont là pour financer leurs études ou pallier une situation économique difficile. Eva Clouet, dans sa thèse « La Prostitution étudiante à l’heure des nouvelles technologies », pointe les motivations des étudiant-e-s qui ont recours à la prostitution : le besoin d’argent, toujours. Face à des suggar daddies aisés et leur envie de chair fraîche, de séduction facile et de faire-valoir dans les dîners mondains.
Qu’achète un suggar daddy quand il offre son “aide financière” à une jeune femme aux faibles ressources ? Il n’achète rien moins que son consentement à une relation sexuelle. Elle n’aurait jamais voulu de lui, mais elle a besoin d’argent. Il paie, donc elle accepte. Son consentement n’est pas libre, il est dicté par la contrainte économique. Dans tout acte prostitutionnel, la personne prostituée se voit imposer des actes sexuels qu’elle n’a pas désirés. Elle ferme les yeux, pense à autre chose, essaie de surmonter son dégoût face à l’intimité d’un corps pour lequel elle n’a pas la moindre attirance. Imaginez.
Un acte sexuel tarifé n’est jamais anodin. Dans son rapport d’information auprès de l’Assemblée nationale sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, la députée Maud Olivier attire l’attention sur un risque élevé encouru par les prostituées occasionnelles : après avoir accepté des rapports tarifés “consentis”, une jeune femme tombe facilement sous la coupe d’un proxénète qui la prostituera de force.
Les étudiantes prostituées encourent un risque grave de tomber dans un engrenage qui leur fera abandonner leurs études. Comme l’ensemble des personnes prostituées, elles sont exposées à la violence intrinsèque que représente un acte sexuel non désiré, mais aussi la violence psychologique, physique, sexuelle et économique qui entoure la prostitution. Les conséquences sanitaires peuvent être lourdes.
Seeking arrangement nous présente la prostitution étudiante comme une alternative aux rencontres décevantes en se targuant d’”honnêteté”. Selon le créateur du site, ce sont les relations de séduction dans leur ensemble qu’on devrait taxer de “prostitution déguisée” ! Cette personne ignore la composante majeure de tout rapport de séduction, ce qui fait l’essence et la raison d’être de toutes nos relations sexuelles et affectives, ce qui nous pousse vers la découverte d’un corps inconnu, ce qui nous fait souffrir parfois mais surtout ce qui nous fait jouir : le désir. C’est le désir qui fait la différence entre une relation, même brève et sans conséquence, même décevante, même médiocre.. et l’appropriation du corps et de la sexualité d’une étudiante par un “sugar daddy”.