mercredi 30 octobre 2013

Sur un plateau télé, à propos de prostitution


Cette après-midi, j’ai participé à l’émission Tambour battant, présentée par Antoine Spire, qui sera diffusée le 12 décembre prochain sur CinapsTV (la 31) entre 22h30 et minuit.

L’émission était divisée en 3 tranches d’une demi-heure chacune. J’ai parlé lors de la première tranche, j’ai été interviewée conjointement avec Joël Martin, auteur du Viol-location et signataire de l’appel des Zéro macho contre le recours à la prostitution. Il partage nos vues abolitionnistes.

Le noeud du problème portait sur le « consentement ». Tout acte sexuel qui n’engage pas le désir de chacun des partenaires est une violence qui entraîne de graves séquelles. Question d’intégrité. Il est communément admis qu’un rapport sexuel ne doit pas être imposé par la force, le chantage, ou une position hiérarchique dans le travail (sinon c’est un abus ou du harcèlement, tous deux condamnés par la loi). Mes interlocuteurs étaient d’accord. Mais l’argent n’était pas vu comme contraignant. Et puis le « travail » vient d’un mot latin qui désigne un instrument de torture. Donc c’est difficile de toute façon. J’ai reparlé de la différence de nature entre un acte sexuel et de la manutention.

L’argument qui m’a le plus troublée est celui « les rapports sexuels sont forcément inégalitaires, forcément monétarisés, il y a forcément une pression exercée par l’un ou l’autre des partenaires ». En désespoir de cause, j’en suis même venue à faire des gestes : des partenaires qui se plaisent, qui sont attirés l’un par l’autre et qui couchent ensemble, en quoi cela est inégalitaire ?
Notre discussion s’est terminée sur une remarque d’Antoine Spire : « il y a une pression et une contrainte dans tous les rapports sexuels, regardez-moi, je suis gros et lourd ». J’ai bondi : « Si vous utilisez votre poids contre votre partenaire, c’est très grave et j’espère que vous le savez ».
Je trouve cette vision du sexe assez troublante. Quelle était la fin de la phrase implicite : « Je suis gros et lourd, donc j’ai le pouvoir de violer une femme, vous voyez bien que le sexe est inégalitaire ? »

La domination que l’on peut rencontrer dans les rapports sexuels est loin d’être inévitable. Les combats féministes ont réussi à ce qu’un rapport sexuel ne puisse pas être obtenu par la force ou la menace. A présent les femmes mariées sont libres de dire « non » elles aussi. Un patron n’a plus le droit d’utiliser sa position hiérarchique pour solliciter des relations sexuelles avec un-e employé-e. Le domaine du sexe, peu à peu, de combat en combat, se débarrasse de la violence machiste, se libère de la domination des hommes et de la richesse matérielle. Il est possible de partager du plaisir, dans le respect mutuel, débarrassés des forces du marché, de l’emprise de la force physique d’un partenaire sur l’autre. Toute relation sexuelle n’implique pas de la violence et de la contrainte, au contraire! La prostitution, comme le droit de cuissage, l’esclavage, le devoir conjugal et le harcèlement sur le lieu de travail, est un détournement, un pervertissement du sexe, qui comme le droit de cuissage et le viol.. n’a rien en commun avec le sexe !
Il est essentiel de valoriser le désir mutuel, pour une vraie libération sexuelle qui ne soit pas réservée qu’à une certaine catégorie de la population. La libération sexuelle doit être accordée aux femmes pauvres, aux homosexuels, aux transsexuels et aux autres catégories vulnérables. Pour ne plus que les femmes se résignent à une « inégalité » dans le sexe. Pour ne plus que les hommes considèrent l’usage de la contrainte, de la force ou de quelque pression que ce soit comme légitime et acceptable. Pour que le sexe soit perçu et vécu par toutes et tous comme ce qu’il est : un échange, une source de plaisir et de communion avec son propre corps et celui de celui/celle qui nous plait. 

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