Cette après-midi, j’ai participé
à l’émission Tambour battant, présentée par Antoine Spire, qui sera diffusée le
12 décembre prochain sur CinapsTV (la 31) entre 22h30 et minuit.
L’émission était divisée en 3
tranches d’une demi-heure chacune. J’ai parlé lors de la première tranche, j’ai
été interviewée conjointement avec Joël Martin, auteur du Viol-location et
signataire de l’appel des Zéro macho contre le recours à la prostitution. Il
partage nos vues abolitionnistes.
Le noeud du problème portait sur
le « consentement ». Tout acte sexuel qui n’engage pas le désir de
chacun des partenaires est une violence qui entraîne de graves séquelles.
Question d’intégrité. Il est communément admis qu’un rapport sexuel ne doit pas
être imposé par la force, le chantage, ou une position hiérarchique dans le
travail (sinon c’est un abus ou du harcèlement, tous deux condamnés par la
loi). Mes interlocuteurs étaient d’accord. Mais l’argent n’était pas vu comme
contraignant. Et puis le « travail » vient d’un mot latin qui désigne
un instrument de torture. Donc c’est difficile de toute façon. J’ai reparlé de
la différence de nature entre un acte sexuel et de la manutention.
L’argument qui m’a le plus
troublée est celui « les rapports sexuels sont forcément inégalitaires, forcément
monétarisés, il y a forcément une pression exercée par l’un ou l’autre des
partenaires ». En désespoir de cause, j’en suis même venue à faire des
gestes : des partenaires qui se plaisent, qui sont attirés l’un par
l’autre et qui couchent ensemble, en quoi cela est inégalitaire ?
Notre discussion s’est terminée
sur une remarque d’Antoine Spire : « il y a une pression et une
contrainte dans tous les rapports sexuels, regardez-moi, je suis gros et
lourd ». J’ai bondi : « Si vous utilisez votre poids contre
votre partenaire, c’est très grave et j’espère que vous le savez ».
Je trouve cette vision du sexe
assez troublante. Quelle était la fin de la phrase implicite : « Je
suis gros et lourd, donc j’ai le pouvoir de violer une femme, vous voyez bien
que le sexe est inégalitaire ? »
La domination que l’on peut
rencontrer dans les rapports sexuels est loin d’être inévitable. Les combats
féministes ont réussi à ce qu’un rapport sexuel ne puisse pas être obtenu par
la force ou la menace. A présent les femmes mariées sont libres de dire
« non » elles aussi. Un patron n’a plus le droit d’utiliser sa
position hiérarchique pour solliciter des relations sexuelles avec un-e
employé-e. Le domaine du sexe, peu à peu, de combat en combat, se débarrasse de
la violence machiste, se libère de la domination des hommes et de la richesse
matérielle. Il est possible de partager du plaisir, dans le respect mutuel,
débarrassés des forces du marché, de l’emprise de la force physique d’un
partenaire sur l’autre. Toute relation sexuelle n’implique pas de la violence
et de la contrainte, au contraire! La prostitution, comme le droit de cuissage,
l’esclavage, le devoir conjugal et le harcèlement sur le lieu de travail, est
un détournement, un pervertissement du sexe, qui comme le droit de cuissage et
le viol.. n’a rien en commun avec le sexe !
Il est essentiel de valoriser le
désir mutuel, pour une vraie libération sexuelle qui ne soit pas réservée qu’à
une certaine catégorie de la population. La libération sexuelle doit être accordée
aux femmes pauvres, aux homosexuels, aux transsexuels et aux autres catégories
vulnérables. Pour ne plus que les femmes se résignent à une
« inégalité » dans le sexe. Pour ne plus que les hommes considèrent l’usage
de la contrainte, de la force ou de quelque pression que ce soit comme légitime
et acceptable. Pour que le sexe soit perçu et vécu par toutes et tous comme ce
qu’il est : un échange, une source de plaisir et de communion avec son
propre corps et celui de celui/celle qui nous plait.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire