_ Hé jeune homme, t’es super
charmant, on dirait Rafael Nadal, tu viens boire un verre ?
_ Non merci, désolé
_ Comment il s’la raconte !
Sale **, vas-y ** ma **
Ce dialogue est purement fictif.
Il est en effet inconvenant pour une femme de faire un compliment sur le
physique d’un inconnu ou de faire état de ses conquêtes masculines. J'ai déjà été rabrouée pour moins que ça. De la part d'un homme en revanche, l'expression d'une attirance est parfaitement acceptable, voire souhaitée.
Plutôt que d’exprimer leur désir,
les femmes devraient plutôt déambuler, ouvertes à tous les vents et tous les
compliments, prêtes à recevoir la semence telles des utérus en promenade. Un homme qui lit sur un banc public, est un homme qui lit sur un banc public. Une femme dans la même situation doit se réjouir d'être sollicitée pour satisfaire la libido du chaland. Chacune doit composer avec ces intrusions, être trop polie c'est encourager la manoeuvre, être trop froide c'est s'exposer à des insultes ou pire. Tout un art de la diplomatie. Dans la continuité du mythe de l’homme actif et de la femme passive, les femmes sont perçues comme un réceptacle du désir masculin, une forteresse à prendre dans la tradition Valmontesque.
Plutôt que désireuses, conquérantes, actives et volontaires, les femmes doivent être disponibles, souriantes et accueillantes. Les femmes ne sont pas sensées avoir un désir autonome : contentons-nous de répondre aux avances masculines. Or il y a une différence fondamentale entre accepter et vouloir, tolérer et aimer, suivre un mouvement et initier le mouvement, consentir et désirer. La femme doit être consentante, dit-on. Mais le consentement est si facile à extorquer ! Seul le désir est libre.
Plutôt que désireuses, conquérantes, actives et volontaires, les femmes doivent être disponibles, souriantes et accueillantes. Les femmes ne sont pas sensées avoir un désir autonome : contentons-nous de répondre aux avances masculines. Or il y a une différence fondamentale entre accepter et vouloir, tolérer et aimer, suivre un mouvement et initier le mouvement, consentir et désirer. La femme doit être consentante, dit-on. Mais le consentement est si facile à extorquer ! Seul le désir est libre.
Or le désir féminin fait peur. En témoignent les réactions face au lancement d’un viagra féminin :
« Les laboratoires
pharmaceutiques s’inquiétent de leurs résultats, qui seraient trop bons. (..) On craint que les femmes débordent de libido et deviennent des infidèles
frénétiques, bouleversant l’ordre de la société ».
L’auteur
de cette phrase a publié le livre au titre prometteur : What do women
want. Significatif. Afin de mieux être
brimé, le désir des femmes est recréé, inventé par les hommes. Il doit être une
projection de ce que les hommes désirent qu’elles désirent.
Merci à Amanda Postel, qui milite avec moi à Osez le féminisme! pour sa réaction parfaitement formulée à la déclaration de François Ozon sur notre soi-disant "fantasme de prostitution" :
« C’est donc confirmé : secrètement, nous rêvons toutes
d’être des putes. Merci François Ozon, de dire tout haut ce que vous voudriez
que les femmes pensent tout bas, du haut de votre position d’autorité. Et de
rappeler que tout homme (même s’il préfère lui-même les hommes) a une expertise
naturelle en matière de sexualité féminine. Nous, nous sommes trop passives et
irrationnelles pour parler pour nous-mêmes. Mieux, on aime ça, qu'on parle à
notre place.
C’est peu ou prou
l’équivalent soft d’un « tu aimes ça, salope » lancé à une actrice porno
bâillonnée. (et si l’intervieweuse est dubitative, c’est parce qu’elle est
américaine, pas que les propos d’Ozon sont un ramassis d'inanités: ne jamais se
remettre en question, jamais !).
L'affaire
est tout à fait révélatrice du cinéma encensé à Cannes : des hommes qui
fabriquent des personnages féminins selon leur propre fantasme, et qui
prétendent ensuite que leurs univers fictifs sont une image fidèle de la
réalité. »
et par votre dévouée.
Le
mythe de Pygmalion va loin : le sculpteur impose la forme mais aussi la
pensée et les envies.
Cette vision imposée de l’absence de
désir, de volonté propre des femmes se répercute dans tous les domaines, elles auront plus de mal à s'imposer dans un groupe mixte, leur volonté et leur parole est mise en doute. Les femmes sont versatiles, changeantes, soumises aux forces incontrôlées de leurs hormones. "Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie", disait François Ier (le roi de France, pas le nouveau Pape). Confieriez-vous le bouton de la bombe atomique à quelqu'un d'aussi peu fiable ? On se comprend.
Mais restons-en au champ de la sexualité. Le système prostitutionnel n'est qu'une extrapolation paroxysmique de ce déséquilibre entretenu. L'un désire et impose, l'autre s'exécute. Et le premier nous dit que le second aime ça.
Mais restons-en au champ de la sexualité. Le système prostitutionnel n'est qu'une extrapolation paroxysmique de ce déséquilibre entretenu. L'un désire et impose, l'autre s'exécute. Et le premier nous dit que le second aime ça.
Dans le débat actuel sur la
pénalisation des clients de la prostitution (qu’on appelle de façon moins
hypocrite les prostitueurs), l’auteure Claudine Legardinier répond au chanteur Antoine :
« Quel
est cet art, donc, où un seul exprime son désir, ou plutôt ses lubies sexuelles
sur un objet qu'il a jaugé, soupesé et rémunéré, et où l'autre, sous le sourire
commercial de rigueur, se contente de s'exécuter en serrant les dents et
en attendant que ça passe (voire en prenant un peu de valium pour se donner du
courage) ? L'idée de la sexualité ainsi défendue par notre libertaire épris
d'exotisme fait froid dans le dos. Notre chanteur aux chemises fleuries a-t-il
déjà connu le plaisir partagé ? Le trouble, l'émotion, le plaisir – si
unique, si subtil – de sentir le plaisir de l'autre ? »
« Erreur
ou mauvaise foi, de la part de nos détracteurs ? Qu'importe. Nous
continuerons de nous battre pour la liberté sexuelle, pour que les femmes aussi
aient un droit au désir, au plaisir, pour qu'elles cessent d'être des objets à
disposition, des trophées, des outils à confirmer la virilité. »
Un droit au désir, et non pas l’heur
être désirées.
Bonjour Fleur Furieuse .
RépondreSupprimerJolie texte et meme jolie Blog !
Désir et séduction sont certainement intimement liés.. une femme qui assument ouvertement ses désirs perd certainement beaucoup en séduction de nos jours!
bonne continuation
Faux-Folles