Pourquoi "j'vais lui niquer la gueule" est une menace, alors que niquer, c'est bien? Le mystère des insultes sexistes
Mes employeurs avaient l’air
inquiet et combatif à la fois, assis côte à côte à une table, penchés devant un
écran, nerveux. Il était question de prud’hommes et d’un ancien salarié.
Faussement innocente et curieuse
de connaître leurs antécédents, je demande :
_ Quelqu’un vous cherche des
noises ?
Sourire crispé qui signifie
« ne te mêle pas de ça cocotte », et réponse :
_ Ceux qui nous cherchent des
noises, on les nique.
Je repars, ricanant intérieurement, satisfaite de leurs
tracas.
Mon esprit se relâche, s’attarde à leurs paroles. « On les
nique ». Faisait-il allusion à un désir d'union charnelle avec cet ancien salarié ? Cette hypothèse était peu probable. C’était donc une
métaphore. Pour eux, niquer quelqu’un revient à le détruire. Etrange. Dans mon
esprit, ce terme, ainsi que « baiser » (pas « enculer »,
mais je ne parle qu’en mon nom propre), ce terme de « niquer » évoque
une joyeuse communion des sens, une fête archaïque à deux, une célébration de
l’instant présent et une exaltation des corps. Les fantasmes et souvenirs
délicieux vers lequel mon esprit dérivait n’était pas en accord avec le
« niquer » de mes employeurs.
Quand j’entends une insulte du
style de « va te faire foutre », mon esprit s’égare, toujours. Tu
m’envoies me « faire foutre » dans un accès de colère, tu exprimes
ton mépris et ta haine, mais moi j’aime bien ça, me faire .. Etrange.
La plupart du temps, quand
j’entends une insulte ou une menace, ou lorsque quelqu’un s’estime floué et exprime
sa colère.. des pensées suaves me viennent en tête. J’en ai déduit que j’étais
masochiste.
Il m’arrive de me sentir dépravée
comme Lilith chassée du jardin d’Eden lorsque j’entends parler de sexe autour
de moi. Les hommes disent « je vais la baiser », « je me la suis
tapée », « j’ai envie de la tringler ». Les femmes, mieux
élevées, ne disent rien. Quand elles sont vulgaires comme moi, elle peuvent
dire qu’elles ont envie de se taper tel ou tel, mais c’est plus rare. En tout
cas, le garçon pénètre la fille, le monsieur baise la dame et le papa met la
graine.
Les femmes devraient donc rester
immobiles, se laisser faire, un sourire léger esquissé sur leur visage
diaphane. Elles sont l’objet des phrases, se font passer dessus par le sujet
des verbes, susurrent « prends-moi » et attendent la suite.
Je me sens perverse. Il me
semblait que le sexe était un partage, un échange avec une répartition juste et
équitable de coups de reins et d’énergie déployée. Le discours ambiant ne va
pas dans ce sens. A croire que ces messieurs préfèrent les poupées inertes.
Je n’ai donc rien compris à la
vie. Le sexe, pour une fille, est dégradant, et il nous est déconseillé de
participer. J’ai donc arrêté. Pour me substanter, je suis allée voir des films
porno sur internet. Peu habituée du fait, j’ai simplement tapé
« porno » sur Google et je suis allée sur
« perfectgirls.net ». Un excellent moyen de le savoir, enfin, ce qu’était
une fille parfaite ! Et là j’ai eu la confirmation que je n’étais pas
normale.
Les titres des films :
« Jayden la blonde se fait défoncer par une grosse bite noire »,
« Adana se fait tripoter pendant son sommeil et se laisse baiser »
(dans la vraie vie, ça se juge aux assises, soit dit en passant),
« torture et violence pour cette coquine ! » ou encore « salope
joue la pompe à vélo ».
Les insultes, le langage courant,
les films.. Tout concorde. Le sexe, pour les femmes, devrait être dégradant et
destructeur. Et pourtant on aime ça !
J’ai envie de rassurer les
hommes : ne vous inquiétez pas autant pour nous. Nous ne nous sentons pas
salies après une union charnelle avec vous, il n’y a rien d’effrayant ni de
douloureux à ces activités. L’érotisme n’a rien à voir avec la violence, la
dégradation ou l’avilissement de l’autre. C’est dans vos têtes. Détendez-vous,
tout va bien se passer. Shall we dance?
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