Des femmes à la tête de partis
d’extrême-droite européenne : une stratégie de dédiabolisation efficace mais un danger réel
pour les droits de toutes les femmes
Marine Le Pen, une femme
quadragénaire, divorcée, à la tête du Front National, est l’un des choix qui
s’offre aux citoyen.nes pour le 2nd tour de l’élection présidentiel
qui aura lieu dimanche.
Autant les féministes se battent
pour la parité en politique et se réjouissent de l’accession de femmes à des
postes de pouvoir.. mais pas dans ce cas. Vraiment pas.
A l’échelle européenne, on
constate une stratégie commune à certains partis d’extrême-droite : placer
des femmes relativement jeunes à des postes de responsabilité. On peut citer
l’exemple de Céline Amaudruz, 38 ans, présidente de l’UDC section Genève ou de Fleur
Agema, 40 ans, députée du Parti de la Liberté aux Pays-Bas. En Hongrie, Kristina
Morvai, avocate des Droits humains à l’ONU est députée européenne Jobbik.
Le cas norvégien de Siv Jensen, leader
du Parti du Progrès, a des airs de déjà-vu.
Carl I. Hagen, fondateur
controversé, passe la main en 2006 à cette arrière-petite-fille d’une des 1ère
suffragistes du pays. « Sur le fond, Siv
Jensen n'a pas renoncé à grand-chose, mais elle peut dénoncer "l'islamisation rampante" du pays sans provoquer de scandale. »[1].
La droite naturelle la considère comme une partenaire légitime et ses idées
xénophobes progressent dans la société norvégienne.
Les
partis d’extrême-droite savent jouer avec les stéréotypes associés aux femmes
pour se donner une façade de respectabilité : douces et inoffensives, on
les associe difficilement au fascisme et à sa violence. Réputées plus
sensibles, altruistes et maternelles, elles sont davantage crédibles quand
elles ont un discours social et se présentent comme à l’écoute des attentes des
classes populaires.
Cette
stratégie est efficace, le Front National a convaincu davantage de femmes
depuis que Marine Le Pen a remplacé son père et son discours s’est banalisé
dans les médias et la société entière.
Par
ailleurs, comment
reprocher à une femme d’être misogyne ?
Pourtant
le Front National, fidèle à son héritage pétainiste, défend un projet de
société rétrograde et dangereux pour les droits des femmes.
Pour
comprendre en quoi l’extrême-droite ne peut être que misogyne, il faut se
rappeler quel est l’idéal de société qu’elle promeut. Ces courants de pensée
ont une vision biologisante de la nation :
on est français.e ou européen.nes parce qu’on est blanc.he avec des
parents catholiques. Dans cette logique, le droit du sol doit être remplacé par
le droit du sang, la nationalité se transmet par les gènes et les étranger.es
sont des indésirables.
Bien
au-delà de « voler les emplois des Français.es », les étrangers sont
les auteurs d’un métissage qui fait horreur aux partisans d’extrême-droite. Les
immigrés (masculins) ne font pas que voler les emplois, ils volent aussi les
femmes. C’est ce là que viennent les stéréotypes racistes sur les Noirs
violeurs.
Les
viols n’émeuvent l’extrême-droite que lorsqu’ils sont commis par des hommes
immigrés extra-européens, comme en témoignent les réactions de Marine Le Pen
face aux agressions et crimes sexuels commis à Cologne le 31 décembre 2015. « J'ai peur que la crise migratoire signe le début
de la fin des droits des femmes »[2], écrit-elle après s’être
réclamée de Simone de Beauvoir.
Pour ce qui est des viols les plus tristement banals, à
savoir ceux commis dans la sphère intime, on peut se référer à Bruno Gollnisch
qui entend décriminaliser le viol conjugal – qui avec un peu de chance pourra
faire naître de nouveaux bébés français.
Si les hommes immigrés risquent de féconder les Françaises
blanches et les faire accoucher d’enfants métis, nous plongeant dans un remake
du Village des damnés, les femmes immigrées quant elles.. font trop d’enfants.
Beaucoup trop. C’est le message sous-jacent aux discours sur les
« allocs » et les hantises autour du regroupement familial.
Les femmes blanches quant à elles ne sont pas suffisamment
fertiles. Une nation essentialisée et une idéologie raciste se traduisent
forcément par la volonté d’accroître le nombre de naissances de
« nos » femmes par « nos » hommes. De gré ou de force,
et même plutôt de force. Le Front national et d’autres groupes d’extrême-droite
mènent des attaques contre le droit à la contraception et à l’avortement. En
2010, Marine Le Pen a introduit le projet de dérembourser «l’IVG de
confort » « pour tenter de le ramener à zéro si possible »[3].
L’argument nataliste évoqué se
révèle être purement raciste : la France a le taux de natalité le plus
élevé d’Europe.. mais pas en ce qui concerne les enfants français. D’après
l’INSEE, le taux de natalité en France en 2008 est de 2,02 enfants par femme,
ce qui est donc suffisant pour assurer le renouvellement des générations. Or
ces statistiques représentent les « femmes accouchant en France ». Si
l’on prend en compte uniquement les femmes de nationalité française, ce taux
est de 1,8. C’est donc une crise de la natalité d’enfants français qu’il faut
endiguer en imposant des grossesses aux femmes françaises. On peut alors se
demander quels seraient les critères pour déterminer qu’un avortement est
« de confort ».. Le projet concernant les allocations familiales est
plus clair, elles seront réservées aux familles dont au moins un parent est
français.
Le FN
nourrit la hantise d’une perte d’identité et d’un envahissement par les étrangers.
En réponse à cette peur et dans la lignée de tous les régimes fascistes, la
nation doit se renouveler par de nombreuses naissances d’enfants de son
« sang ». Pour garantir la naissance de moult bébés blancs, le corps
des femmes doit être strictement contrôlé. C’est ce qui a mené au système de
« Lebensbarn » (ferme de vie) en Allemagne nazie.
Ce
contrôle du corps des femmes pour maîtriser la natalité est au cœur du
patriarcat. L’extrême-droite ne peut exister sans une oppression machiste des
plus brutales. Ce machisme va dans le sens du culte de la force physique
associée à une virilité dans ce qu’elle a de plus violent et archaïque. Il
implique la défense de la famille traditionnelle avec le “chef de famille” qui
dicte sa loi sur son épouse et enfants et a contrario la haine des lesbiennes
et homosexuels.
Les
femmes (toutes mariées, et à des hommes bien entendu) sont cloîtrées à la
maison avec d’un côté le « salaire parental » - qui est en fait un
salaire maternel, et d’un autre côté une discrimination des femmes sur le
marché du travail renforcée. Dans le discours d’extrême-droite, les femmes
prennent la place des hommes dans les entreprises et le chômage sera résorbé en
écartant les femmes du marché de l’emploi. L’égalité salariale est honnie, elle
est également l’une des causes du chômage. Ainsi les femmes deviennent
dépendantes de leur époux, ne peuvent plus refuser de rapport sexuel (grâce à
Bruno Gollnisch) ni avorter et ne peuvent pas se réfugier auprès d’une association
d’aide aux femmes victimes de violences puisqu’il n’y en aura plus.
Malgré
sa nouvelle façade, le Front National reste un parti intrinsèquement misogyne,
lesbo-homophobe, raciste, antisémite et hostile aux classes défavorisées. Son
unique objectif est d’avoir et de conserver le pouvoir pour mettre en place une
société brutale et appauvrie aussi bien économiquement qu’humainement.
« Il est ridicule de penser que leur corps leur appartient,
il appartient au moins autant à la nature et à la nation. »
Jean-Marie Le Pen
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