On connait tou-te-s la nature des relations entre une personne prostituée et son client : elle a besoin d'argent ou elle est contrainte par un tiers, donc il paie et il aura accès à son corps. Il peut même acheter la compagnie d'une petite amie idéale, docile, compatissante, qui rira de ses plus mauvaises blagues et jouira quoi qu'il arrive.
Et que se passe-t-il lorsqu'une femme qui n'est pas prostituée est attirée par un homme qui s'avère être un client de la prostitution? C'est une mésaventure qui m'est arrivée récemment. Je n'étais pas certaine qu'il le soit, j'espérais secrètement qu'il soit simplement réac, mais j'en ai eu la confirmation.
Voici le message, tronqué mais authentique, que je lui ai envoyé :
(salutations et demande de nouvelles amicale)
"Je me pose une question, même si je suis bien documentée bien sûr, à propos des clients de la prostitution. Tu m'as paru tellement passionné par le sujet que je suis sûre que tu as des éléments de réponse.
Si on considère un client comme un homme qui accepte l'idée d'un moment en compagnie d'une jeune personne qui le reçoit la peur au ventre, angoissée par son loyer à payer, ses dettes, obligée de s'alcooliser toujours plus pour surmonter son dégoût...
Comment ce même garçon peut-il apprécier à sa juste valeur un authentique désir féminin? Pas celui qu'on mime, et qu'on essaie de reproduire lorsque la situation l'exige en s'oubliant soi-même. Je parle d'un réel désir qui vient des tréfonds du bas-ventre. Toi par exemple, du coup tu ne vois pas tellement l'intérêt d'une femme qui aurait envie de t'enserrer et d'être enduite de ta sueur?"
Je me suis permise cette familiarité car nous avions déjà échangé quelques messages chargés d'une ambiguité érotique revigorante.
Sa réponse a été laconique : "Chuis un grand timide", dit-il. Cette timidité peut à la fois expliquer le fait qu'il hésite à me voir seul à seul - je l'ai déjà rencontré plusieurs fois avec un groupe - mais surtout justifier son recours à la prostitution.
Ma réponse pourrait être celle-ci :
"C’est cette même
« timidité », j’imagine, qui te pousse à payer une jeune fille ou
jeune femme pour qu’elle ne puisse pas dire non, et qui t’empêche de partager
du plaisir avec une jeune femme qui te plait, apparemment, et dont l’attirance
et l’affection sont sincères.
Tu ne fais pas partie des hommes
dont on pourrait avoir pitié, dont on pourrait penser qu’ils ne trouveront
jamais de partenaire. Même si la prostitution ne se justifie jamais par la
prétendue frustration sexuelle du client, de la même façon que le prétendu
« désir » (comme ce terme est sali !) ne saurait justifier
l’anéantissement de l’autre que représente le viol, la pédocriminalité ou le
viol tarifié et organisé qu’est la prostitution.
Au contraire, avec ton physique
et ce que tu es, intellectuellement et socialement, je suis certaine que les
sollicitations féminines ne manquent pas. Que tu reçois des propositions
propres à t’émoustiller. Or tu es « timide ». Trop timide pour
entamer une relation avec une femme qui te donnera du plaisir car tu l’excites,
qui te donnera de l’affection car tu l’émeus.
Ta « timidité » par
contre ne t’a pas empêché de me traiter de puritaine en public. Surtout, elle
ne t’empêche pas de sortir des billets pour pénétrer une jeune fille qui, si tu
l’avais approchée gratuitement, se serait certainement débattue, aurait essayé
de fuir pour éviter un viol. Heureusement que tu as donné de l’argent à son
maquereau : elle ne se débattra pas.
Trop timide en revanche pour
entamer une relation d’égale à égal, où tu prendras le risque de décevoir ta
partenaire et qu’elle te le fasse savoir. Il se peut que la jeune femme refuse
certains gestes, qu’elle se montre maladroite ou que son excitation retombe dès
les premières minutes. Il se peut qu’elle s’attache, qu’elle veuille te revoir.
Il se peut qu’elle ne veuille pas te revoir alors que tu avais passé un moment
que tu croyais exceptionnel. Il se peut qu’elle tombe amoureuse. Ou bien que ce
soit toi qui tombes amoureux et que tu découvres qu’elle est déjà en couple, ou
tout simplement qu’elle ne t’aime pas. Il se peut que tu souffres.
De mon côté, je ne suis pas
timide. J’ai osé exprimer mon désir, alors qu’il n’est pas évident pour une
femme de le faire – en particulier avec cette éducation latine que j’ai reçue,
qui n’autorise les femmes qu’à répondre aux avances d’un homme, après s’être
laissées suffisamment désirer. Je m’expose à être considérée comme une femme
dévergondée indigne du respect de ses partenaires. Je m’expose aussi au risque
d’une violence masculine largement répandue. Et comme je t’ai sollicité par
mail, je n’aurais pas eu le moindre recours si l’aventure avait pris une allure
horrifique.
J’ai déjà l’expérience de la
violence masculine, et j’ai failli y passer. Pourtant je ne suis pas timide.
Alors, à l’avenir, mets-toi en danger toi aussi : prends le risque d’un
rapport réciproque, entre deux êtres humains qui se reconnaissent comme tels.
Il n’est pas si dangereux que tu le crains de voir l’humanité en l’autre."
Sa réponse... pas à la hauteur des questions très pertinentes que vous posez... et ca ne réponds à aucune des questions d'ailleurs. Il ne parle que de lui, comme si il cherchait une excuse... D'ailleurs, vos paragraphes de fin me laissent penser qu'il n'est pas tellement timide, mais plutôt lâche. Il ne mérite pas qu'on se frotte contre lui, car il n'a pas l'air de savoir apprécier les "élans"... Je suis curieux... cette réponse potentielle a t-elle été envoyée ?
RépondreSupprimerBonjour Emmanuel,
SupprimerMerci pour votre message. Non, je n'ai pas envoyé la réponse potentielle, je le laisse un peu tranquille pour le moment ^^
La timidité en fait dans leur cas, c'est plutôt une peur archaïque et peu fondée, il existe toujours de vieilles croyances au sujet du désir féminin comme dangereux pour l'homme, risquant de le déviriliser ou de l'anéantir, voir tous les mythes et contes dans lesquels les hommes sont vampirisés par des femmes au charme et à la puissance maléfique, magiciennes, sirènes, sorcières ou amazones qui ne songent qu'à les dévorer - littéralement ! - ou s'en servir comme géniteurs. Prendre une femme contre son gré par la force ou l'argent permet d'instaurer une distance et affirmer sa puissance.
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