J'ai fiché pour vous le Petit traité contre le sexisme ordinaire de Brigitte Grésy.
Ce sexisme légal qui sévit en entreprise
Le sexisme ordinaire passe inaperçu
“Sale Noir”, on voit que c’est raciste, mais “sale femme”, ça ne marche pas.
Le sexisme ordinaire n’est pas du domaine de l’illégal mais du “sournois, pas-vu-pas-pris, indicible, infra quelque chose ou méta je ne sais quoi”
“On est dans le signe qui rejette, la parole qui exclut, le sourire qui infantilise, le dos qui se tourne, le cercle qui ne s’ouvre pas, la couleur grise qui refuse le rose”
“On est partout et nulle part et partout cela suinte !”
“stéréotypes et représentations collectives qui se traduisent par des mots, des gestes et des comportements ou des actes qui excluent, marginalisent ou infériorisent les femmes”
Le monde du travail est codé et il est traversé par d’autres structures relationnelles, où le plus fort gagne à tous les coups et impose ses codes, des codes non dits, diffus, souvent illisibles mais qui créent de graves dommages collatéraux : relations H/F
Nous avons les lois, même si mal appliquées, mais nous n’avons pas les moeurs
Comment le définir
Il y a du sexisme ordinaire dès que la destinataire est envahie par un sentiment de malaise. “Les adjectifs qui reviennent le plus souvent lorsque les femmes parlent de cet état sont tous précédés du “de” privatif et traduisent le manque et le mal-être : désorientées, démunies, déroutées, déstabilisées, dépourvues…
Trois mots reviennent en boucle lorsqu’elles tentent de décrire cet état : infantilisation, déstabilisation, exclusion. Les voilà qui, tout à coup, se perçoivent comme étrangères à ce monde où la majorité des hommes évoluent à l’aise”
Condescendance, mépris, paternalisme
cf Natacha Henry, les Mecs lourds ou le paternalisme lubrique
Quelques techniques du sexisme ordinaire
Obstruction
Donner des consignes insuffisamment claires ou délibérément irréalisables, pour humilier subtilement et parfois publiquement la malheureuse, impuissante à répondre à la demande. Le secrétariat par interim en offre un bon exemple
Exclusion et insubordination larvée pour les femmes dans les postes à grandes responsabilités, sexisme caché derrière un discours qui masque les réticences
Chasse à l’intruse
Pas de sentiment d’appartenance, de légitimité, de confort et de liberté dans une organisation de travail à moins de 30% de femmes
Au-delà de 30%, le sexe n’est plus considéré comme une spécificité qui se remarque et donc qui marque la personne et surdétermine son comportement.
Monochronie des par-dessus gris anthracite. “Les femmes se sentent insolentes car elles sont insolites”.
L’exclusion peut être plus brutale, provoquée par un discours machiste qui fait fuir vers une organisation plus ouverte aux femmes.
Rareté des femmes donc rapports de force inégaux, stress et fatigue supplémentaires sur les femmes
Délégitimation subtile
Si la femme a un poste à responsabilités, on mettra en place des stratégies de contournement pour l’isoler et neutraliser son pouvoir.
On évite son regard, on fait comme si elle n’était pas là.
“Séduction”
Sexualisation des rapports professionnels unilatérale, malaise et rejet de la partenaire qui ne veut pas de cette instrumentalisation, obligation de ne pas réagir, compte tenu de la très grande tolérance sociale à cet égard, assignation à rire contre son gré
L’homme qui y procède déséquilibre et domine l’interlocutrice, c’est un abus de pouvoir
Blagues ou allusions lourdes et graveleuses
“Le recours, en présence d’une femme, à des propos graveleux prononcés comme des mots de code de reconnaissance masculine peut être une formidable machine d’exclusion. Les propos orduriers fusent ; les blagues de cul fleurissent. Chacun y va de la sienne. La femme rit tout d’abord ; elle fait bonne figure pour ne pas paraître coincée ; elle y va même de son couplet si vraiment elle est en forme, et puis tout à coup c’en est trop ; elle ne suit plus le rythme ; elle sent que ce qui se joue, c’est un truc d’hommes, un truc de clan qui vous exclut. Elle se sent humiliée ; elle ne peut plus faire face”.
Le sexisme exercé par les femmes
Ne faisons pas porter aux femmes la responsabilité de leur oppression !
“Certes la violence symbolique ne peut s’exercer sans le concours de ceux qui la subissent, mais comment faire autrement quand le dominé ne dispose, pour penser cette soumission, que d’instruments de connaissance qu’il a en commun avec le dominant et qui, n’étant que la forme incorporée de la relation de domination, font apparaître cette relation comme naturelle”? (Bourdieu, la Domination masculine)
Effet Pygmalion inversé qui s’exerce précocément et continûment sur elles
Représentations que les femmes ont d’elles-même :
défiance, surinvestissement, dévalorisation
“ambivalence des femmes, matraquées et escamotées”
Ambivalence
Désir de retrouver ses enfants + désir d’être autant reconnue que les collègues masculins
Manque de confiance en soi
Edith Cresson au congrès de Pau : après des heures de débats avec le CERES, Mitterrand lui propose de “prendre le secrétariat”. Elle pense qu’elle doit assurer le secrétariat de la séance du comité directeur qui allait suivre. Il s’agissait en fait du secrétariat à la Jeunesse et aux Etudiants, poste éminemment difficile
Complexe de Cendrillon
Un homme accepte un poste s’il estime avoir 50% des compétences
Une femme : 80%
cf Isabelle Germain, Et si elles avaient le pouvoir
“Combien d’obscures ont connu le doute lors d’une proposition de promotion ? Combien de femmes de pouvoir n’ont pu se faire entendre par manque de confiance en elles quand le sexisme exigeait, pour le contrecarrer, des armes de rétorsion trop fortes ?”
Doute exprimé par les femmes = évaluation personnelle ex ante
Les chefs voient le doute comme un aveu de ne pas être à la hauteur, ils sont rassurés par une attitude de confiance en soi
On condamne la mauvaise messagère qu’il annonce pas des lendemains sans nuage
Les hommes sont passés maîtres dans le faire-valoir et la mise en lumière de leurs talents
La défiance en soi crée la défiance chez l’autre
Surinvestissement, perfectionnisme, épuisement
stratégie de la bonne élève doublement néfaste : empêche de faire des pauses et prendre du recul
empêche d’autres stratégies de développement de carrières : déjeuners d’affaire, réseau, golf
“Parler, manger, bouger, quoi de plus sain pour l’esprit et le corps ?”
Dévalorisation
Habituées au travail non rémunéré dans la sphère privée, les femmes répugnent à monnayer leur travail
Stratégies contrastées des femmes au pouvoir pour assurer leur légitimité
Mimétisme des stéréotypes masculins
Dans l’allure et l’adoption d’organisations de travail masculines : réunions à 20h, lamentations à l’annonce d’une maternité, choix de collaborateurs masculins
Les femmes manquent d’expérience de l’exercice collectif du pouvoir, manque de repères
difficulté à lâcher prise, erreur de jeunesse
Démonstration de féminité
D’autres ont peur de ne pas être prises pour des femmes, l’enjeu pour elles est de montrer leur valeur ajoutée et leur différence dans ce monde si réservé aux hommes qu’elles croient devoir arborer à tout prix des signes de féminité pour être autorisées à y entrer.
“Les femmes, dans l’entreprise, c’est pain béni. Elles sont rigoureuses, elles font tout et elles le font bien le plus souvent”. Nature ou moeurs ?
“L’intuition dite féminine n’est-elle pas plutôt une forme de lucidité et de vigilance apprises sur le tas pour devancer les désirs ou anticiper les désagréments du sexe dominant ?”
Quotas invisibles des hommes
Cooptation et copinage, qu’on appellera jamais “quota”
Le piège du temps
On fait payer aux femmes, de leur temps et de leur fatigue, cette double activité professionnelle et familiale, cette articulation qu’elles assument, toutes les études le montrent, à 80%, mais on leur fait payer, sur leur lieu de travail, cet ajustement du temps auquel elles sont contraintes, en les culpabilisant sans répit.
Elles payent physiquement pour ajuster et on leur fait moralement payer le fait d’ajuster
Accusées d’avance d’être non disponibles, non mobiles, non flexibles
cf “Le parcours professionnel des diplômées de grandes écoles”
La durée moyenne de travail hebdomadaire des femmes cadres dirigeantes est de 50h, comme les hommes
67% font de la réussite pro un élément central de leur vie
85% se déplacent au moins 4 fois par mois pour leur travail
76% sont prêtes à travailler à l’étranger
Délit de maternité
Elles seront peut-être en congé mat 32 semaines sur 2080 semaines de travail
A partir de 17h, on culpabilise les femmes de partir et dans le même temps “il s’apprêtent à retrouver avec bonheur leur pré carré, cette atmosphère du soir, très club masculin, où l’on savoure le plaisir d’être entre soi”
Temps partiel
85% des travailleurs à temps partiel sont des femmes
30% femmes qui travaillent sont à temps partiel
5,3% des hommes
Temps partiel = moindre salaire mais travail à distance, disponibilité
Culpabilisation, mise à l’écart de responsabilité
“Et voici que règnent alors dans les lieux, triomphants, le regard altier et les fesses bien calées dans leurs fauteuils comme de gros chats repus de contentement de soi, tous les pères sous-traiteurs d’enfants qui, non contents de ne pas rétribuer ce travail qu’ils doivent à moitié et qu’ils ne font pas, se payent en plus le luxe de dévaloriser le travail de celles qui le doivent à moitié et le font en entier, en plus de leur métier”
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