dimanche 11 mai 2014

"Qu’une femme n’aille pas chez un homme par peur de se faire violer, ça c’est scandaleux"

"Oui, je vais être crue. Parce que ces choses là, on ne peux pas les raconter sans utiliser les mots, les vrais, ceux qui choquent dans toute leur véracité et leur coté sordide. 
Non, je ne me suis pas faite violée, d’ailleurs je refuse cette expression “s’être faite” comme si, ces personnes (hommes ou femmes) l’avaient choisi. On devrait plutôt dire “avoir été” donc non, je n’ai pas été violée. Mais je ne suis passée pas loin, et loin de pouvoir imaginer la douleur des ces personnes, je pense avoir eu assez peur pour approcher modestement leurs souffrances. 
Cette histoire, elle commence sur internet, sur le site de rencontre adopteunmec.com, je passe sur les nombreuses polémiques autour de cela et tout ce qu’on pourra me “reprocher”, je reviendrai là-dessus après l’exposition des faits. Les faits, c’est simplement un rendez-vous, suite à une petite discussion, dans un bar du 17ème arrondissement de Paris. Lui, c’est Henri, 24 ans, jeune homme très chic qui tourne joliment ses phrases tout en restant cool, qui m’avait fait miroiter de belles choses et qui m’offre “le meilleur mojito de Paris” dans un bar très chic où il connait les patrons. Moi, c’est Lucie, 20 ans, arrivée de sa Bretagne natale depuis 1 an, vivant dans un 9m2 et très impressionnée par tout ça. On discute, je ne me laisse pas avoir par son coté flambeur, on est pas de la même classe sociale ça c’est certain mais j’ai du caractère et je le lui montre également. Le programme c’était un verre et un diner-maison chez lui. Après le verre, je me dis qu’il est quand même sympa et je décide de poursuivre la soirée, sur le chemin je le préviens : je ne couche pas le premier soir. Il rigole, me dit qu’il comprends. S’en suit l’arrivée chez lui et la visite de son 120m2 avec jaccuzzi, hammam, balcon et j’en passe. On prends l’apéro, il ouvre une bonne bouteille de vin, il me propose de gouter la liqueur qu’il fait maison, raisonnable, je ne prends qu’un petit verre. Le diner se déroule, on rigole bien. Il est plutôt du genre à se vanter de ses conquêtes, de ses talents culinaires, de ses rencontres sur le site, de son appartement… C’est le premier rendez-vous, je l’excuse, on est jamais totalement soi-même. Après le diner, on prends place dans le salon, mon verre est toujours plein. On discute, il me propose de me masser, je refuse. Il insiste, je finis par céder. Il veut passer sous mon t-shirt, je refuse et cette fois-ci catégoriquement. Il finit par m’embrasser. Je me laisse faire, ce n’est qu’un baiser, j’ai bien prévenu plus tôt qu’il ne se passerait rien de plus. Et puis tout s’emballe, sa main sous mon t-shirt, lui presque sur moi et moi coincée dans le canapé. J’essaie de me dégager de sa bouche pour lui dire stop. J’y parviens, il continue, je m’énerve et le repousse. Je lui explique que je ne veux rien qu’il se passe ce soir. Il me dit qu’il comprends, pas de soucis. Il tente par un subtil jeu de manipulation et de tournures de phrases à me faire parler de moi. Je ne suis pas dupe, évite et prétexte une envie pressante. Là, j’envoie un S.O.S à une amie, espérant qu’elle va m’appeler et couper court au rendez-vous, je vois mal comment m’en tirer, sortir d’ici, je ne veux pas le brusquer, je ne le connais pas et j’ai un peu peur qu’il use de la force. Je reviens m’asseoir. Il me parle puis recommence à m’embrasser, au début simplement sur le nez en me disant qu’il adore mon nez, puis il recommence, cette fois-ci avec la main dans ma culotte. Là j’essaie vraiment de me dégager, je dis “non”, clairement et distinctement à plusieurs reprises. Il continue, je n’arrive pas à le repousser, il est presque sur moi. A ce moment précis, je suis entre les larmes et le rire. Les larmes car cette situation est affreuse et que je ne sais absolument pas comment m’en tirer. Puis le rire parce qu’il a l’air ridicule, sur moi, se frottant comme un animal. Je continue mes “non” incessants et il me sort cette phrase merveilleuse : "Genre t’en as pas envie, tu mouilles comme pas possible". Je profite de cette phrases et de son détachement de mon cou et de ma bouche pour me lever, furieuse. Il me calme, me rassoit. Dans ma tete, je réfléchis aux moyens que j’ai pour partir, ma copine ne m’appelant toujours pas. Il dit en rigolant “tu aurais été la 76ème”, sur le coup je ne tilte même pas, je regarde l’heure, prétexte qu’il est déjà tard et que j’ai rendez-vous et tente de sortir. Sur le chemin vers la porte, il me coince plusieurs fois contre le mur, me touche les fesses, me tripote, m’embrasse. Je finis par sortir, il me dit “tu m’appelles hein”, j’acquiesce vaguement et dévale les marches. Je sors, j’appelle ma copine et fonds en larme. A cet instant précis, je comprends que tout ça était loin d’être normal. 
Bien sur il m’a recontacté à plusieurs reprises par le suite pour des “soirées-jaccuzzi-champagne”. SMS auxquels je n’ai pas répondu.
Tout ça m’a choqué, je ne vais pas le nier, mais je ne veux pas me placer en victime à plaindre, moi je n’ai pas été violée je ne sais même pas si ça se serait passé d’ailleurs. C’est la suite qui m’a encore plus choquée. Car quand on le raconte aux autres, ceux-ci trouvent plein de “négligences” de ma part et c’est là que je m’insurge. Me trouver des “négligences” ou en trouver aux victimes de viols, c’est trouver des EXCUSES au violeur. Or, il n’y en a pas. A ce genre de choses, il n’y a pas d’excuses. 
D’abord, c’est le site internet qu’on m’a rabâché : “En même temps, t’es sur un site de rencontre, la moitié des nanas sont là pour baiser, faut pas t’en étonner.” Bah si, si pardon mais je m’en étonne. D’une part parce que ces nanas qui sont là pour “baiser”, elles ont autant le droit que n’importe qui d’y être pour cette raison et pour autant ne pas être violées. Justement, la différence elle est bien là, entre la recherche d’un partenaire sexuel éventuel puis son approbation. Entre “baiser” avec un homme et être violée. Parce qu’elles souhaitent trouver cette personne, elles n’en sont pas pour autant des filles faciles qui du coup “l’ont bien cherchés”. D’autre part, ce n’était pas mon cas, je cherchais juste quelqu’un avec qui partager ma vie, ce que j’ai trouvé, plus tard, sur ce site. 
Ensuite, on m’a souvent dit “Pourquoi t’es allé chez lui aussi, c’est inconscient.” Et là aussi je m’insurge. Non, ce n’est pas inconscient. C’est NORMAL. L’inverse est scandaleux, qu’une femme n’aille pas chez un homme par peur de se faire violer, ça c’est scandaleux. C’était un rendez-vous amoureux, en tout cas pour ma part. Le fait d’aller chez un homme ce n’est pas un consentement. Si on rentre dans ce schéma, on valide le viol comme quelque chose qui peut arriver dans certaines circonstances alors que non, ça ne doit pas arriver, jamais, dans aucune circonstance. 
Puis, on m’a dit que je n’avais qu’à pas boire, qu’à m’enfuir et puis on m’a donné toute la liste des choses que j’aurais du faire. Et là, je ris doucement. Je ris doucement car cette liste parait absurde quand on a été dans pareil situation. “Tu aurais du courir” “Tu n’aurais pas du boire” Tu as bien dit non ?” Je n’ai pas pu courir. Il m’a fait boire, j’étais en rendez-vous amoureux et même sans ça je n’aurais rien pu faire, il m’a manipulée. Et oui, oui mille fois oui, j’ai dit “non” et quand bien même je ne l’aurais pas fait, je n’ai pas dit “oui” c’est bien là le principal. 
Je vous passe les nombreuses, très nombreuses choses que j’aurais du faire parce que, vraiment, “tout ça au fond c’est un peu de ma faute.” Là j’ai compris, pourquoi les femmes n’en parlent pas. Parce que même mes copines mes plus proches m’ont fait ce discours. 
Alors non, je n’ai pas été violée, heureusement. Mais je me demande, si j’avais été la 76ème, combien des 75 autres étaient consentantes ? "
Merci Lucie pour ce témoignage si juste dans "Je connais un violeur"

1 commentaire:

  1. À moins que le nom de cet homme ait été changé, j'en mettrais ma main à couper que nous avons subie la même expérience.

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